Aperçu sur l’histoire de l’Algérie

Singulier pays que l’Algérie, au carrefour de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique, qui côtoie la Méditerranée sur plus de 1200 kilomètres. Plus vaste des pays du Maghreb, il est le deuxième d’Afrique par la superficie. Il est aussi, malgré la jeunesse de sa population, un pays ancien par son histoire. L’ensemble du territoire, des confins du Sahara aux rivages de la Méditerranée, porte les traces discrètes ou imposantes d’une présence humaine plusieurs fois millénaire. L’antiquité numide, punique et romaine Dans l’antiquité, deux grands ensembles de tribus occupaient l’Algérie actuelle. Ce sont les Massaesyles et les Massyles dont on connaît les royaumes à partir du III ème siècle avant l’ère chrétienne mais dont l’existence remonte au II ème millénaire avant l’ère chrétienne. Ces royaumes Massyles et Massaesyles ont connu leur apogée avec les rois (Aguellids) Massinissa et Syphax qui furent courtisés par les deux puissances rivales de l’époque : Rome et Carthage. Nous savons qu’en 206 avant J.C, Syphax reçut en même temps dans sa capitale Siga, sur les bords de la Tafna, Scipion et Hasdrubal, venus chercher une alliance dans la perspective d’un conflit qui devait déboucher sur la deuxième guerre punique. Syphax proposa ses bons offices pour trouver une solution pacifique au conflit qui les opposait. Les textes de l’époque nous disent qu’à défaut de réunir les deux ambassadeurs autour d’une table de négociation, il réussit à les faire asseoir ensemble autour d’un banquet. Les historiens reconnaissent l’attachement de l’Aguellid Massaesyle à une politique de neutralité positive et sa volonté de voir s’instaurer la paix dans le bassin occidental de la Méditerranée. Forcé de choisir, Syphax prit le parti de Carthage avec laquelle il entretenait d’importantes relations commerciales par ses ports qui accordaient certaines facilités aux embarcations carthaginoises en route vers l’Ibérie d’où elles ramenaient le minerai d’argent. Son rival, Massinissa, voulant reconquérir le royaume de ses ancêtres prit le parti de Rome. Il put à la faveur de armes, régner sur un territoire qui s’étendait depuis les Syrtes (Libye actuelle) jusqu’à la Molochat (oued Moulouya), avec pour capitale Cirta (aujourd’hui Constantine). Le règne de cet Aguellid Numide dura 56 ans pendant lesquels il s’employa à poser les fondements d’un état indépendant tout en développant des relations de partenariat avec tous les états de la Méditerranée. C’est lui le premier qui lança la formule «l’Afrique aux Africains ». Cette période des royaumes numides indépendants est riche en vestiges archéologiques encore visibles sur les bords de la Tafna (ruines de Siga et Mausolée dit de Syphax) et dans l’est du pays : stèles libyques de la Chefia (La Calle), mausolées du Khroub et du Medracen (Batna). La mort de Massinissa (moins 148) coïncide avec la chute de Carthage (moins 146) et la conquête de l’Afrique par les Romains. Après sa disparition, Rome travailla au morcellement de son royaume et son neveu, Jugurtha , malgré une résistance farouche, ne put empêcher la pénétration romaine de s’étendre sur l’ensemble de l’Algérie actuelle. Les vestiges encore visibles de cette occupation, matérialisés par des dizaines de milliers d’inscriptions et des sites archéologiques majeurs, montrent l’originalité des provinces d’Afrique par rapport à l’ensemble du monde romain. La spécificité de l’urbanisme apparaît dans la composition et la souplesse des volumes qui s’harmonisent avec la topographie, donnant ainsi à l’ensemble un cachet propre. Les villes de Djemila et de Tiddis attestent de cette originalité. Au niveau de l’écriture, les œuvres laissées par Fronton de Cirta ou Apulée de Madaure (Mdaourouch) puis, plus tard, par des auteurs chrétiens comme Tertullien, Cyprien ou le grand Saint Augustin montrent que les vaincus du moment avaient dompté et maîtrisé la langue du conquérant. A la veille de la conquête musulmane, le pays est administré en partie par les Byzantins qui avaient repris aux Vandales (429 –533) les anciennes provinces romaines. Les territoires occupés par les Byzantins n’allaient pas au-delà de Caesarea (Cherchell). Plus à l’ouest, le pays était organisé autour d’un royaume autochtone situé près de Tiaret, où se dressent encore treize monuments funéraires qui témoignent de l’importance de la dynastie alors en place. Un autre royaume rayonnait autour d’Altava (Ouled Mimoun) avec un certain Mazuna qui porte sur une inscription datée de 508, le titre de «Roi des Maures et des Romains».

HISTORIOGRAHIE

Pour la période qui correspond à la domination carthaginoise, les témoignages de l'historiographie classique deviennent plus clairs et plus crédibles. De grandes cités apparaissent dans les récits relatifs aux navigations contemporaines -tel le fameux périple de Scylax que l'on peut dater du IVe siècle avant J.-C.- et surtout dans les textes qui concernent les royaumes de Numidie et de Maurétanie ainsi que leurs rapports avec Carthage ou les autres Etats de la Méditerranée.
Depuis le siècle dernier, les archéologues se sont intéressés à des vestiges qui se rapportent soit à la présence phénicienne, soit à la domination de Carthage, soit encore à la pénétration de la civilisation punique dans le monde libyque et en l'occurrence numide. Outre les découvertes fortuites, des fouilles systématiques ont été menées à Gouraya, l'antique Gunugu, à Cirta notamment dans le sanctuaire d'EI-Hofra, à Iol et à Tipasa et plus à l'ouest à Siga, Rachgoun, Mersa Medakh, en Andalouse, à Beni Ghénane et dans d'autres sites le long de la côte et même à l'intérieur des terres.
Parmi les pièces du dossier, les inscriptions puniques et néopuniques méritent l'attention; il y a certes les stèles d'EI-Hofra, vestiges d'un haut lieu réservé aux principales divinités puniques: la dame Tanit-Face-de-Baal et le seigneur Baal Hammon. D'autres inscriptions ont été mises au jour à Iol: on y a recueilli la fameuse épitaphe de Micipsa. Des dédicaces néopuniques appartiennent à la cité d'Hippone. Dans ses Punica, J.-B. Chabot présenta de nombreux textes puniques et néopuniques découverts dans des sites algériens, notamment dans le Constantinois et non loin de la frontière occidentale de la Tunisie: des vux, des épitaphes.

Carthage a donc succédé aux Phéniciens en Algérie, pays connu de ces derniers depuis le début de l'âge du fer. Mais les royaumes de Numidie ont hérité des enclaves et des comptoirs carthaginois à une époque difficile à déterminer. Le fait était déjà certain sous le règne de Syphax. Ce changement d'autorité ne se fit pas aux dépens de la civilisation punique. Bien au contraire. Fort punicisés eux-mêmes, les rois de Numidie ne manquèrent pas d'adopter la langue de Carthage, de battre monnaie avec légendes en langue et en caractères puniques. Les institutions elles-mêmes semblent avoir subi l'influence de Carthage: le suffétat fut adopté et sans doute adapté aux besoins des royaumes non sans tenir compte des traditions libyques.

Pour le Maroc, les principales cités phéniciennes durent reconnaître la suprématie de Carthage qui, au Ve siècle, établit de nouvelles colonies sur les côtes atlantiques, notamment dans le cadre de l'entreprise maritime confiée au Magonide Hannon qui en donna un récit pittoresque. Entre autres fondations, il mentionna celle de Thymiatérion, sans doute sur le site occupé aujourd'hui par la ville de Méhédia, au nord de Rabat. Cette présence punique au Maroc est attestée par les témoignages indubitables de l'archéologie et de l'épigraphie.
De nombreuses nécropoles ont été identifiées et fouillées à Tanger, Lixus, Melilla, Tit près d'EI-Jadida, Azemmour et dans bien d'autres sites qui ont fait l'objet d'une prospection systématique. Outre leur structure et leur typologie, les tombes de ces nécropoles taillées, construites ou encore aménagées dans des grottes faisant office de mausolées - ont révélé un matériel riche et abondant: de la poterie ordinaire, de la céramique de luxe souvent importée de Grèce ou d'Italie, des bijoux, des amulettes, des scarabées, autant de pièces pour instruire le dossier de la présence punique au Maroc.
Parmi ces tombes, on peut, à titre d'exemples, mentionner les chambres taillées dans le grès dunaire aux environs immédiats d'Azemmour, le tumulus de Sidi Slimane ou la tombe du cap Achakar.
Quelques édifices sacrés de tradition punique ont été identifiés sur divers sites marocains, notamment à Lixus. D'autres temples à Banasa, Sala et Volubilis, bien que d'époque romaine, portent l'empreinte de traditions préromaines et en l'occurrence puniques.
Tout près de Tanger, M. Ponsich a découvert un atelier de céramique avec les restes de nombreux fours dont les plus anciens pourraient remonter au Ve siècle avant J.-C. Il s'agirait d'ateliers qui auraient appartenu soit à des potiers puniques, soit à des autochtones punicisés; ils auraient fonctionné durant plus de trois siècles, longue période au cours de laquelle des transformations et des extensions illustrèrent l'évolution des besoins, des goûts et des techniques. Les cheminées de ces fours de Kouass s'éteignirent apparemment sous le règne de Juba II.
La numismatique donne des informations sur la présence de Carthage au Maroc: de nombreuses villes avaient le droit de battre monnaie, telles Rusadir, Sala, Tingi, Tamuda, Lixus, Maqom Shemesh. L'écriture et les thèmes des légendes gravées sur ces monnaies témoignent de la présence punique. Le toponyme Rhysaddir de Pline s'écrit RS'DR sur les monnaies; en langue punique, il signifie " cap Puissant ", et correspond à l'actuel cap des Trois Fourches. L'iconographie de ces monnaies est également significative: sur l'avers, une tête imberbe; s'agit-il d'un prince ou d'une divinité ? Au revers, une abeille flanquée d'épis. Sur une autre série, l'abeille se trouve entre une grappe de raisin et un épi de blé. Serait -ce une allusion aux richesses agricoles de la cité et de sa chôra? D'ailleurs, le toponyme Melilla semble provenir du terme latin qui désigne le miel.
Les inscriptions puniques du Maroc avaient depuis longtemps attiré l'attention des épigraphistes tel Philippe Berger qui publia dans le Bulletin archéologique du Comité, en 1892 une étude sur une inscription phénicienne du IIe siècle avant J.-C. découverte à Lixus. Volubilis a livré une épigraphe qui mentionne des suffétes. À Banasa, on a pu déchiffrer des lettres puniques peintes sur une amphore. Des graffiti nombreux figurent sur des tessons trouvés à Mogador.